Vous avez sûrement entendu parler de la loi pour l’arrêt de production des PFAS (ou polluants éternels) qui est passée la semaine dernière.
La France est le premier pays à arrêter l’utilisation des PFAS dans une multitude de produits courants comme le maquillage, le fart, les vêtements…. A l’exception des poêles à frire (dont le lobby a été visiblement plus fort).
D’un œil extérieur, cela peut sembler être une bonne nouvelle. Mais en réalité, en plus de n’avoir aucun sens, cette loi est plus contre-productive qu’autre chose.
Dans cette newsletter, on va donc s’intéresser aux effets indésirables d’une stratégie court-termiste qui consiste à refuser le changement (jusqu’à ce que l’on soit bien obligé d’y faire face).
Je vous propose aussi de discuter ensemble des bienfaits du silence (et de laisser des blancs) pour autonomiser ses équipes.
Pour finir, on réfléchira à la théorie du ruissellement initiée par les quotas en entreprise, et des bases nécessaires pour que les talents féminins puissent émerger et s’épanouir au sein de votre organisation.
Bonne lecture !
Pourquoi essayer de gagner du temps n’a aucun sens ?
Revenons à notre loi.
Son vote repose sur une campagne de lobbying très forte menée par l’équipe de Camille Etienne, qui est suivie par des centaines de milliers de personnes sur les réseaux sociaux. Camille a récemment sorti un film documentaire qui cumule à l’heure ou j’écris cette newsletter plus d’un million de vues sur Youtube.
Elle a donc embarqué avec elle une très grande communauté et ses propos sont appuyés non seulement par des scientifiques, mais également par des ouvriers d’usines qui utilisent et produisent des PFAS. Une combinaison de sources qui donne un large crédit à ses propos. Sans compter le fait que ce scandale avait déjà été porté sous une autre forme aux USA et a donné lieu à un premier film, Dark Waters, qui avait déjà largement touché le public.
Par ailleurs, depuis longtemps, il est de notoriété publique qu’il ne faut plus utiliser les poêles dont le revêtement est abîmé car elles peuvent être cancérigènes. La question des PFAS s’était donc déjà invitée à la table des français depuis un petit moment. Le nouveau scandale, porté par Camille Etienne, ne fait donc que nourrir les braises.
Face à ce scandale, et surtout cette montée d’adhésion massive autour de la question, l’entreprise Seb, qui possède Tefal, aurait pu se positionner comme allié ou être tout aussi discret que les usines des autres secteurs touchés. Elle aurait même pu mettre en avant ses autres produits, tout aussi performants.
Seb aurait peut-être perdu son stock actuel, mais en se positionnant comme allié, l’entreprise aurait pu faire fructifier son image de marque et même booster ses ventes sur des alternatives plus safe. Le fait est que nous avons tous besoin de poêle, donc le marché ne risquait pas de s’effondrer du jour au lendemain.
Mais la stratégie de Seb a été toute autre. L’entreprise a choisi de faire du chantage à l’emploi pour gagner le soutien de ses employés. Un choix d’autant plus cynique que ce sont pourtant eux qui sont les plus exposés aux risques que représentent les PFAS. Ce soutien “populaire” leur a permis d’actionner un lobbying sans précédent auprès de l’Assemblée pour faire retirer la mention des ustensiles de cuisine de la loi.
Résultat : Seb a gagné ! Mais à quel prix ? Et pour quoi ?
Dans la bataille des casseroles, Seb a perdu la confiance d’une grande partie de ses employés ainsi que de ses clients. D’autant plus qu’inévitablement, une nouvelle loi passera pour inclure ses poêles… Seb n’a donc que retardé un processus inévitable. Retardé de peu, puisque la loi en question est inscrite à l’agenda européen.
Plutôt que de s’inscrire du bon côté de l’histoire, Seb a préféré campé sur ses positions.
Qu’est-ce que nous apprend cette histoire ?
Rester sur sa position, envers et contre tous, et ne jamais douter de son bon droit, quelle que soit la situation, se traduit presque toujours par le même cocktail : une perte de confiance et de légitimité.
Un fiasco qui se ressent :
Auprès de ses équipes, qui ne remonteront plus quoi que ce soit (par peur ou par lassitude),mais qui n’en penseront pas moins… A commencer par le fait que vous soyez incapable de gérer la situation.
Auprès des clients, qui n’ayant pas de réponse à leurs questions, ne seront pas sûrs de pouvoir vous faire confiance et ne s’engageront pas sur le long terme
Auprès de la hiérarchie, qui ne pourra pas être sûre que vous ayez une réelle vision sur le long terme et soyez capable de gérer les turbulences.
Nier et rester sur vos positions ne vous permettra jamais rien d’autre que de gagner un peu de temps et de profiter d’une accalmie passagère…. Jusqu’à ce que la crise ne puisse plus être contenue et que vous soyez bien obligé d’y faire face, dans une position bien moins confortable que si vous aviez pris le taureau par les cornes lorsque vous en aviez l’occasion.
La morale de l’histoire, c’est que face à un sujet inattendu qui pourrait remettre en cause votre activité, la bonne démarche consiste à :
accepter de prendre le temps d’étudier le sujet pour comprendre ce qu’il s’est passé ;
trouver une solution co-constructive qui vous permette d’être en confiance et de donner confiance à vos clients, à vos équipes et à votre hiérarchie ou vos actionnaires.
C’est le meilleur moyen de “sortir par le haut” de rester dans une situation gagnant / gagnant sur le long terme.
Comment vous vous en sortez dans les situations où il est compliqué de sortir par le haut ?
Responsabiliser ses collaborateur·ices ou L’art de savoir laisser des blancs
Savez-vous laisser des blancs lorsque vous posez des questions comme :
Comment est-ce que je peux t’aider ?
Que proposes tu ?
Qu’en pensez vous ?
Ou êtes-vous plutôt du genre à enchaîner directement avec une proposition de réponse ?
Laissez un blanc pour que votre interlocuteur prenne le temps de réfléchir et de répondre est rarement un réflexe qui nous vient naturellement. Parce que dans cet interlude, vous avez le temps de cogiter et de penser aux mille réponses que la personne peut vous donner… Et cet éventail de possibilités a quelque chose d’angoissant. Le blanc vous donne aussi l’opportunité de glisser une proposition (et donc de vous assurer que la conversation prenne la tournure que vous désirez).
Pour moi, ce réflexe montre aussi notre volonté de “rassurer la personne”, de lui témoigner notre soutien. Mais en faisant cela, c’est peut-être nous, que nous cherchons réellement à rassurer.
Ce qui pourrait passer pour une bonne intention de départ a surtout un effet pervers beaucoup moins positif : vous prenez la part de responsabilité qui incomberait à la personne en face de vous et vous ne lui permettez donc pas de se responsabiliser.
Il en va de même pour un collectif. En répondant du tac au tac à toutes les objections sans laisser le reste du groupe s’exprimer, vous ne permettez pas à votre équipe de « s’empouvoirer » et de porter ces sujets avec vous.
Au final, tout repose sur vos épaules. Et personne n’en sort gagnant.
Si j’ai donc un conseil à vous partager ce mois-ci, c’est de laisser sa chance au silence après une question pour donner la possibilité à l’autre de remplir ces blancs en prenant ses responsabilités.
46,4 %
46,4 % de femmes siègent aujourd'hui aux conseils d'administration des sociétés du CAC 40*
*selon une étude de l'Institut français des administrateurs (IFA) et d’Ethics & Boards parue en mars 2023
A titre de comparaison, elles n’étaient que 13 % en 2010. Cette évolution est due au passage de la loi Copé-Zimmermann, qui contraint les entreprises à respecter un quota minimum de 40 % de femmes en CA depuis 2017. Grâce à cette loi, la France fait désormais, sur ce sujet au moins, figure de bonne élève à l’échelle internationale.
Elle n’a pourtant pas eu l’effet de ruissellement escompté puisque la loi RIXAIN a dû être votée pour que cette même logique s’applique en CODIR.
Un petit coup de pouce législatif qui montre bien que pour accompagner l’évolution de femmes à des postes de directions, c’est l’ensemble des strates managériales qui doivent se féminiser. C’est la condition indispensable pour avoir un maximum de talents à faire évoluer. Cette nouvelle loi devrait donc permettre de créer un cercle vertueux à l’échelle de l’organisation dans son ensemble.
Voici plusieurs questions à se poser pour préparer ce changement en interne :
Avez-vous un système de recrutement qui favorise la neutralité de genre ?
Comment les évolutions managériales sont-elles décidées ?
Comment votre entreprise identifie-t-elle les talents ?
Votre organisation est-elle formée aux biais de genres ?
Toutes ces questions ont une influence sur la capacité de votre organisation à inclure plus de femmes à tous les niveaux, y compris les plus hauts.
Pour aller plus loin :
Toxic Bodies, le documentaire de Camille Etienne
Les positions de vie et la situation Gagnant / Gagnant en analyse transactionnelle
Le dernier épisode du Pouvoir au Féminin avec Barbara Sessa, Dir. Produit Europe de Mastercard
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